3ème boule
Restez dans la petite machinerie
de cet espace où nous campons
nous pouvons en faire le tour
rien qu’avec un œil
rien qu’avec l’oreille
et dès maintenant ou demain ici ailleurs
au café dans la rue
dans la chambre dans le corps
nous continuerons de passer en clandestins
les paroles mauresques
qui nous décapitent la mort
TROISIÈME BOULE
Un homme marche dans son regard
sur une place banal !
L’île bourbeuse de la chanson
abrite ou creuse son nom
puis il installe quelques tréteaux
la foule passe hep la !
Par hasard un jongleur
au milieu de la foire
établi dans un autre cercle
vers qui se dirige un jeune homme
bien sage
mesurant de ses pas la distance
de la foule à ce qu’elle entoure
Petites histoires
Recollez le monde éparpillé
Petites bordures
Le corps est une balle qui roule
ses mosaïques de mots
et les images enchaînées
entr’elles entraînent les hommes du manège
Pendant que le jongleur déplie sa tente
ameute le passage avec de longues cabrioles
en enfance et contrées finies arracheur de dents douloureuses
et que le grand panneau de son annonce est une enclave intacte
Pendant que tout récit s’installe
Il sort de chez lui
Chacun qui sort
continent noir ou vieille blouse d’écolier
il n’est lumière que de nuit
tréteaux forains très tôt parés
dans l’invisible foire blanche
où l’arc du chien regarde
entre les deux trottoirs toilés
C’était d’avant les rues dans les hortanelles
des hordes
avant que ne soient les tribus
avant que ne soient les tribus
Dans les rues qui bordent
de leurs ailes closes
le cavalier
Tiens il est à pied
tombé de l’histoire
dans une autre histoire
se déroulant là
à hauteur des voix
D’avant les blés du temps des chanvres
quand les cahiers étaient des cordes
où les voix dressaient les mémoires
quand la place avait sa place
et pareil qu’au café on s’attroupe
devant le flipper
jongleur électrique
Encreusez-vous dans le parloir
Si la place déborde ce n’est qu'en elle-même
Ce qu’elle envoie dehors aussitôt le reprend
chaque pas arrêté éveille un bout de quai
R P H E E
Où la plaine locomotive de mémoire
Desselle dans les rails un instant les chevaux
Une plaque endormie de chair
Et des chèvres broutant l’alcool
J’ai ma demeure dans mon sang
où danse enrôlé le jongleur de moi
j’ai ma demeure dans mon sang
Un mot vacille pour sa place qui l’enchaînera
au parler
O Si la place déborde ce n’est qu‘en elle-même
« Alors un arbre s’éleva! ô pure élévation !
ô chant d’Orphée! ô grand arbre dressé sans l’oreille !
R Et tout se tut. Pourtant au sein même de
l’unanime silence
s’établit un nouveau recommencement signe et
métamorphose
P Des animaux de silence s’arrachèrent à la forêt
claire et libérée des gîtes et des nids
et il apparut alors que ni la ruse
H ni l’angoisse ne les rendait à ce point silencieux
mais le désir d’entendre. Rugissements, cris
bramements
semblaient petits dans leur cœur. Et là où
jusqu’alors
E il y avait à peine une hutte pour accueillir
un tel chant
un pauvre abri né du plus obscur désir
avec une entrée dont les montants tremblent
E Là tu leur créas dans l’ouïe des temples »
E.M Rilke in Sonnets à Orphée
Voilà Orphée ce que Rilke t’adresse
Tu es le dernier apparu dans la métamorphose
du flipper
Avant toi il y a eu le cavalier le cheval
le navigateur l’écuyère
Hilarian Cyprien le jongleur
Ai-je bien essarté l’espace de ton chant ?
Et que vas-tu devenir maintenant
Pour que je dure en bateleur ?
Scribe ?
Mais le scribe n’a plus de loge entre le poisson et le fruit
Il faut bouger le vol ! Bougeons le vol !
Ici est un bateau et n’est pas un bateau
Vous avez vu comment je tiens
comment je ne tiens pas
rien que pour mettre un nom
à l’espace des bras ouverts
du gagné sur le non-dit qui tue les gens à
l’intérieur
par petites touches de gel
Et que chanter maintenant ?
Les jours les jours de maintenant
Et si ces jours deviennent ces chiens d’arrêt
dressés pour rapporter des morceaux du monde
cassé
et si nous devenons ces pavillons
de chasse
où se réunissent les gibecières et les chants
le vin la poudre et la mort
alors nous aurons à dénuder nos voix
encore plus
pour que le monde cède à notre paix.
Marc Verdou et Philippe Berthaut
Marc Verdou