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Abrupt

AbruptPhilippe Berthaut
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Abrupt



        Dans cette ville mal fermée où gouttent d’étrange éponges, un jus de
       mort, un jus de nuit, un jus qui nous glace dans l’âme ce qui nous
       reste de chaleur,


       dans le récipient de la peur se fait une horrible tambouille qui va
       nous claquer au museau. Démuni j’avance et je lance


       mes pieds sur le carré de neige noire : je pourrais parler de mon sang
       au moment où il se délivre, je pourrais parler des figures que j’épouse
       


           un moment, un seul avant qu’elles ne me quittent et s’en aillent épicer
           la rue. Ce sont d’invisibles filins qui me relient à mes contemporains,
           ( que savons-nous les uns des autres ? )


           à ceux qui maintiennent la rue debout encore, avant que ne s’écroulent
           toutes les façades lépreuses.


           Tu tiens ainsi la déchéance à hauteur du temps. Des éboulis de pierres
           blanches restent suspendus aux balcons, des éboulis de briques rouges,
           peu importe le matériau,



           les visages hexagonaux ne regardent plus les visages dans les reflets de
           la vitrine. Cela va vite, toujours plus. Et nos désirs prennent des rides


           là où ils ne les attendaient pas. Ensuite les mots se chevauchent, l’un
           sur l’autre. Faut avancer ! Faut monter dans le bus de langue, dans une


           station supposée; puis effacer dans le silence les dernières phrases montées
            Là où nous allons, nos maisons sont comme des cages d’oiseau
           suspendues



           sur la giroflée. Dans cette ville mal fermée pour croire qu’on vit à l’abri
           de son temps, il y a de multiples portes que personne n’ira pousser.


           Je vois les habitants pénétrer en coulisses, dans le couloir lisse des jours,
           chez eux dans une loge aux allures secrètes. Un lit petit, une chambre


           où l’on ne peut pas se bouger; pas de cuisine, un lavabo servant
           d’évier et le désir de ne plus jamais habiter. A chaque escale de porte,



           un même rituel retailladé — ventouse de vies sur la vie. — Aurais-je
           encore le culot de m’emmitoufler dans vos langes, vieilles rues


           métamorphosées dont plus personne n’est le centre ? Ailleurs se passe
           maintenant la vraie vie ? Toujours ailleurs ? Leurre subtil.


           La vie que tu vis, ni fausse ni vraie, toute appareillée à son ombre
           naine, n’a rien à donner dans ses cicatrices que plaies mal fermées,
           ni fausses ni vraies.


           Il y aurait au pied de la vie, avalanche de pierres, résumés de cris
           jamais insortis de tes lèvres closes.


           Le chant est abrupt. Il loge sa glose au fond du gosier. C’est un long
           rosier que taillent les roses avant que d’aller s’exposer aux yeux.
           La ville est fermée, bouton d’herbe close, ce qui poussera ne t’appartient pas.


           Tu n’es plus d’enfance. Le chant est abrupt. Il te donnera des coups
           de boutoir; il te fera choir, tu le quitteras dans la ville close où jadis
           les roses offraient des secrets.



           Mais une autre fleur, tapie dans son ombre, une fleur d’amour un peu
           déchirée sur le côté gris du versant de l’âme, pousse dans nos corps
           ses années de trêve.


 

 



Gérard Truilhé - Editions Trames
 


Installé à Barriac depuis 1986 Gérard Truilhé est musicien, poète, typographe, éditeur. Après des études de lettres à la faculté de Toulouse, il s’installe dans l’Aveyron, qu’il découvre à Sauveterre de Rouergue (1972) ; à cette époque il s’accompagne à la guitare et chante sa poésie et les textes qu’il met en musique, il enregistre disques et cassettes (« Non loin du lieu où je suis né », « les Bateleurs », « Gérard Truilhé chante Pierre Loubière », etc…)

Avec un groupe d’amis, il fonde en 1982 l’association « Trames » destinée à promouvoir la création artistique, puis son goût pour l’écriture et pour l’art l’amène à s’intéresser au livre d’artiste et il fabrique ses premiers livres à la main.
Très vite il découvre la typographie au plomb mobile et s’oriente avec « Trames » vers l’édition d’ouvrages rares où poésie, typographie, lithographies, eaux-fortes, gravures sur bois, peintures originales se mêlent et se complètent.
Les éditions Trames publient uniquement des textes poétiques (poésie contemporaine).
Chaque ouvrage est le fruit d’une collaboration entre un poète et un artiste qui réalise pour cette occasion une oeuvre originale. Les livres, tous signés par l’auteur et l’artiste, sont imprimés à la main, à tirage limité, sur une presse typographique, et réalisés sur divers papiers (vélin d’Arches, BFK de Rives, papier Japon, Chine…etc.)
Tout cela peut sembler obsolète, déplacé, à l’heure d’Internet, de la P.A.O, de la vitesse; Mais, dit-il, « j’ai tout le temps, je me promène…. J’aime ce travail qui est un travail d’équipe, mais qui appelle à l’isolement, au recueillement …Poète, artiste, typographe, chacun dans sa solitude, dans ses doutes, mais oeuvrant pour aboutir à l’ouvrage désiré.
Cet artisanat m’a permis de créer des liens d’amitié avec des poètes français ou étrangers (Antonio Gamoneda, Bernard Vargaftig, Bernard Noël, Serge Pey, Philippe Berthaut, Gaston Puel, Yves Bonnefoy, Christian Hubin, Jong N.Woo, Michel Butor, Cristina Castello, Hisashi Okuyama) et des artistes tels que Pierre Soulages, Farhad Ostovani, Michel Mousseau, Michel Cure, Valentin, Marc Pessin, Michel Julliard, qui m’ont fait confiance et ont réalisé des oeuvres pour accompagner les textes.
Plus qu’éditeur, je me sens « faiseur de livres »; confectionner du début à la fin, voilà ce qui me convient.
Le seul luxe des éditions « Trames » : la liberté, l’indépendance … »

Pour en savoir plus, sur Google tapez simplement : éditions Trames livres d’artistes.

(https://editions-trames.pagesperso-orange.fr/)


 

 

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