chants - trajets
Saxophones, Flutes : François Knab
Vibraphone, Métallophone, Xylophone, Cloches, Congas : Laurent Marc
Textes et chant : Philippe Berthaut
Je ne sais pas l’heure qu’il est
C’est samedi
Je rentre chez moi en longeant l’abattoir
Il fait gris
Je l’ai quittée
Je l’ai quittée elle qui voulait faire l’amour
Parce que chanter bandait plus fort
Je ne sais pas vers qui vers où
C‘était urgent
Je sais que ce désir s’est déplacé dans ces balles de sons
Je le sais bien
Alors je suis rentré chez moi
Je me suis fait du café
J’ai allumé le chauffage
J’ai ouvert le magnétophone
J’ai délacé les chiens
Dernier regard par la fenêtre
Le jardin vu
Les feuilles du figuier vont à leur mort végétale
Il n’y a pas de soleil
Mais l’ombre est resté entière calcinée
En face
Ils ouvrent une tranchée
D’ici on pouvait entendre les lumières rebondir
les tranchées que les regards creusent
Ici quelqu’un recommençait un voyage oral en chantier
quand le jour déjà se referme
C’est que la chambre nous déplie
à des cartes perdues présentes
à des plans où la voix voyage
tissant la voilure du chant
Les cantonniers fouillent la terre
où tes paroles vont lever
entre les corps et les lumières
la rue attend d’être nommée
Elle s’appuie s’allonge
sous le réseau des pas
Elle plisse les passants dans son imagier
Elle déploie ses lignes
au cordage des yeux.
Où je commence ?
En face les cantonniers ouvriers bleus
hommes de la voirie
creusent dans leurs propres tranchées
Et me voici à la porte de mon âge 26
à piocher ma présence quelque part dans Toulouse
26 Avenue du Château d’eau
Ici je re-débarque au monde
avec des mots pontons au voisinage
Dans mon pays parlé
ma voix déterre ce qui me sépare et me relie à toi
Entre Aigueperse et rue de Perse
Entre Espalion et Toulouse
mes Sorgues souterraines jaillissent nommées
Les tiennes ont d’autres noms
Et à ce filet de voix dire avance avance guide moi
Laisse l’Ovale ouvert
Que rien ne se referme
Eclate les entrepôts où les images dorment
avec les cris du plaisir
L’autre cantonnier le vrai lui il avait bu
Faut toujours essayer de le boucher le trou
avec des mots avec des kronembourg
Même si on sait qu’on n’y arrivera jamais
Maintenant je suis heureux pare que je suis dans l’heure
Pour la tribu d’amour
mais à l’époque
L’heure filet brochette ou cercle
Sac ou rien ne s’est déposé
Sac factice simili fuir
Je reste et ne veut pas rester
Maintenant un mouvement s’éveille
gonfle ou élance ses chiens d’air
C’est dans mon sang ton sang que ce vent danse
Et ouvre ses plaintes aux carreaux
C’est que parler c’est un ballon
roulant au pied de notre marche
avec ce monde qui déserte dès qu’on voudrait le repeupler
La femme du panneau s’arrête dans son sourire de métal
Elle ruelle son mystère et nous le vole à nos visages
Elle bouffe la place de son corps de papier
ça bande dans les yeux juste à hauteur de la tranchée
Où je commence?
Ainsi séparés on ne parle pas du monde alentour
On suit les codes les maquettes
Ce n’était pas la première fois que je maraudais dans Toulouse
Mais hier impossible de rester dans la chambre gelée
Il m’a fallu marcher encore
Toulouse est vaste comme une semaine vide
Alors j’ai repris le long des abattoirs à Saint Cyprien
Jusqu’aux deux femmes en pierre
A la devanture d’un photographe une photo
avec des soldats de quatorze qui défilaient
Maintenant heureusement il y a les jets d’eau
la chaine qui attache le mur au mur
dans un café place de l’Estrapade
un perroquet parlait
Il répétait à sa façon que la boulangère du marché
donne du pain aux vieux
qu’on vend l’Humanité les légumes les fruits
et vers Une heure plus rien
plus rien que les cageots la pourriture et l’eau
Je suis rue de la République
Je vois un cheval vitriné
qui ne va jamais promener Prairie des Filtres
Il attend quelqu’un qui le prenne
aille l’amener boire l’eau de la Garonne déchirée
sous les images reversées
C’est que marcher est un barrage
à chaque barrière d’objet
C’est qu’on y bute aux palissades
que chaque passant à laissée
Le château d’eau est une quille
que les regards vont bousculer
Sur son cadastre piétiné
la rue émarge les tranchées
aux fenêtres bavardes
sous les lampes voilées
les familles maquillent la peine d’y vivre
Que les vitres éclatent sous les coups des regards
Les chambres d’amour nous suivent avec les enseignes des corps
Elle vont se ficher à la tête des toits
Au lavoir automatique les gitanes me font une lessive à l’avenir
Jusqu’au pont
Pont Pont
Pont Vieux Espalion
Pont neuf Toulouse
Chez Sicre on vend du bois
A ce carrefour de fatigue quelle route coudre aux pieds
Et à qui le droit de péage à qui
Je prend le pont imaginaire juste à côté du pont
Je me rejoins ailleurs je m’ilote
C’est lundi Huit heures
Je prend par le Pont des Catalans vers le travail ou les amis
Le brouillard se lève à peine
Et nous sommes tous là à cadastrer notre matin
dans nos remise de métal
ô petits voyages si petits que les valises sont en nous
Morceaux de lumières et de sang
sans déboucher aux barricades
Tu cognes aux vitres ravinées où t’es reflet dans les reflets
Toulousain à hauteur de voix
tu regardes ta vie rôder
Sous tes habits ton coeur musique
le moteur chaud de respirer
Nos pas déchirent le goudron
quand marcher est un coup de pioche
pour déterrer la vie enfouie
sous la nappe noire talée
Les amis m’offrent du café
La chaleur remonte aux paupières
J’ai le courage d’y durer
pour quelques visages que j’aime
La petite fille est debout
sur le trou qu’elle vient de boucher
Les mains enfouies au banc de sable
le petit garçon regardait
Son tablier est fait de taches que la lumière a laissées
La balançoire dans le square rythme le sang de la journée
Etre l’autre face perdue de tous les mots qui nous habitent
Laissez les images pousser la mémoire au précipice
Le jardin rouvre son enclos
rend ses couleurs aux jours d’hiver
et je refais chauffer de l’eau
en attendant que quelqu’un vienne
Je suis revenu dans la chambre
Pour y préparer le repas
Aujourd’hui il a fait si beau….
Le jardin rouvre son enclos
rend ses couleurs aux jours d’hiver
et je refais chauffer de l’eau
en attendant que quelqu’un vienne
Je suis revenu dans la chambre
Pour y préparer le repas
Aujourd’hui il a fait si beau….